Flamande, tige de botte et homme debout
Les maisons meusiennes sont très profondes, au toit unique, immense, en pente douce. L’obligation de disposer d’un volume d’engrangement accessible
aisément, exige une charpente audacieuse aux supports peu nombreux mais colossaux, reposant sur un socle en pierre et montant de fond en comble. Les charpentiers locaux les nomment hommes debout. Taillés dans des troncs de chêne grossièrement équarris de section carrée, parfois décroissante par niveaux jusqu’au sommet, ils peuvent atteindre jusqu’à dix mètres de hauteur.
Ces toitures lorraines à faible pente, qui constituent un isolat méditerranéen exceptionnel dans le grand Est français, sont recouvertes de tuiles creuses. Il paraît difficile d’attribuer une origine antique à ces tuiles de type canal, bien que la vallée de la Meuse ait subi une première occupation par les domaines gallo-romains et par le tracé de la voie romaine Lyon-Trèves.
Les tuileries artisanales étaient très nombreuses, le tuilier y travaillait en famille aidé de son épouse et de ses enfants. Tandis que l’homme mettait en forme la tégula, tuile plate aux bords relevés sur un moule, il n’était pas rare de voir sa femme relever ses jupes, poser la jambe sur
un tabouret pour façonner l’imbrex, à partir d’une plaque d’argile modelée autour du galbe de la cuisse préalablement saupoudrée de sciure de bois ou de sable à lapin, pour éviter que la terre grasse n’attache à la peau.
Ainsi était fabriquée la célèbre tuile lorraine appelée tige de botte, fleurant bon le terroir et la sueur… Le toit meusien, est si proche de la nature qui l’environne, qu’il est le prolongement des champs à lanières dont les sillons réguliers de la terre fraîchement labourée, nous offrent
une diversité de textures et de tonalités, le vieillissement créant une large palette allant de l’orange vif au rose, au jaune pâle jusqu’au gris usé.
Les maisons se présentent comme un bloc étiré, sous un toit unique à deux pans allongés, l’un vers la rue, l’autre vers le jardin. La division interne au niveau du plan, crée trois travées parallèles correspondant au logement des humains, des animaux et aux engrangements. La travée
habitation de la maison aligne trois pièces, une cuisine centrale encadrée par une chambre en façade et une autre sur la cour-jardin.
Cette cuisine, vaste point de rassemblement de toute la vie familiale, est nécessairement borgne, on y accède par un long couloir traversant la maison, de l’usoir au jardin. La mitoyenneté des maisons commande cette composition singulière, obligeant les occupants à prendre la lumière
sur le toit, le plus près possible du faîtage, au moyen d’une flamande. La lumière est captée par un châssis vitré, traverse le grenier dans un conduit en forme de tronc de pyramide en bois et torchis, aux parois chaulées pour ne pas perdre une miette de luminosité, puis tombe du
plafond pour éclairer la cuisine. La cuisine est véritablement le centre de commandement de la maisonnée, organisé autour de l’âtre, seul signe de vie
permanente, quelle que soit la saison. C’est le cœur de la maison, où tout converge, où se transmettent les legendes et tout ce qui constitue la tradition.
Éclairé par la divine lumière, c’est sous la flamande, ce puits de lumière inspiratrice, que le maître des lieux prend les décisions, qu’il exerce son pouvoir familial et qu’il planifie les journées de labeur. C’est là aussi que l’on échange ou que l’on troque, espionné par l’œil céleste,
jambon fumé ou saucisson décroché de la hotte de la cheminée, contre une livraison d’eau-de-vie de mirabelle.
Le cas échéant le visiteur peut quitter l’hôte discrètement avec sa cargaison, à l’abri du charivari de l’usoir et des regards extérieurs, en s’échappant par le jardin et les vergers pour regagner son logis.
Texte avec un grand mercie de: Jean-Pierre WIECZOREK, C.A.U.E. de la Meuse
REFLET DE LA MEMOIRE DU MONDE RURAL
Texte integral: reflet de la memoire
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