"Hic nimphae agrestes effundite civibus urnas" : cette inscription sur la frise dominant la colonnade du lavoir semi-circulaire d'Houdelaincourt, construit en 1851 par Lerouge, architecte à Commercy, est représentative de la fièvre constructrice qui anima la grande vague d'hygiénisation des campagnes meusiennes au cours de la première moitié du XIXe siècle.
Quatre colonnes à chapiteaux doriques portent l'attique, ce linteau monumental, orné et frappé de sa devise en latin : ainsi traduite "Ici, nymphes champêtres, déversez généreusement vos urnes pour les citoyens".
Avant cette période, la vie rurale s'organisait en fonction de la proximité des points d'eau et de leur facilité d'accès.
Les histoires d'eau occupent une place importante dans les archives communales, l'eau est précieuse, revendiquée, la plupart du temps insuffisante et de qualité médiocre.
La première utilisation de l'eau est vitale, c'est la boisson des humains. Pour éviter des trajets fastidieux, on creuse des puits à proximité immédiate des maisons, en général sur l'usoir où trône le tas de fumier.
Le purin s'infiltre peu à peu, de même que les eaux sales charriées par la rue, l'eau puisée devient souvent insalubre, induisant des risques graves de maladies, typhoïde ou choléra.
De 1826 à 1837, l'épidémie de choléra qui sévit en France fait 600 000 morts. En 1832, sur 12 000 cas recensés en Meuse, 4 000 sont mortels, d'où les nombreux cimetières du choléra encore visibles dans le département. Avant la découverte du bacille, on ignore la nature de la maladie. On tente de l'éradiquer par des remèdes empiriques. Heureusement l'observation de certains phénomènes amène des mesures qui se révèlent sensées : blanchir le linge, éviter tout contact avec les déjections animales et humaines…
Les avancées médicales apportent peu à peu la preuve que les mauvaises conditions d'hygiène entraînent la prolifération de certaines maladies. L'État prend conscience du besoin impérieux de légiférer pour établir des mesures de salubrité publique. Sous l'Ancien Régime, l'équipement des campagnes dépendait du bon vouloir de la noblesse locale. La République entend doter toutes les communes des mêmes aménagements.
Il s'agit d'un geste politique majeur : prouver que l'État prend en égale considération tous les citoyens, même au plus profond des zones rurales.
Le décret du 14 décembre 1789, portant constitution des municipalités, leur donne toute liberté en matière de gestion budgétaire communale : "les communes sont tenues de garantir aux habitants des bonnes conditions de salubrité. C'est à elles qu'incombe la charge de concrétiser les équipements nécessaires". À partir de cette date, les municipalités vont se lancer dans une grande vague de construction d'édifices liés à l'hygiénisation des campagnes.
Autrefois les lavoirs étaient établis en plein vent, à ciel ouvert, là où des générations de femmes avaient pour habitude de battre le linge sur une pierre simplement posée sur la berge.
Progressivement les pierres éparses disposées sur la berge, seront remplacées par une longue pierre de battage unique, disposée parallèlement à l'axe du cours d'eau suivant la longueur de l'édifice. Néanmoins, ces lavoirs placés au fil de l'eau peuvent souffrir du caprice du temps : un déficit d'eau en période d'étiage peut succéder à une vague d'inondations hivernales.
Les femmes devaient alors parcourir plusieurs kilomètres pour trouver un endroit propice. Il fallut donc trouver une solution pour adapter le niveau variable de la rivière à celui de la pierre de battage.
C'est alors que l'on construisit des lavoirs à gradins, reprenant la forme du lavoir à pierre de battage unique, mais de largeur plus importante, pour accueillir un, deux, voire trois niveaux de marches en pierre de taille où prennent place les lavandières avec leurs chabots ou carrosses, sorte de caisses en bois, rembourrées de paille ou de vieux chiffons, ouvertes sur l'un des côtés, dans lesquelles elles se mettent à genoux pour atteindre le niveau de l'eau.
Une autre solution, plus dynamique, pour pallier les variations saisonnières du régime de la rivière, consistait à créer des lavoirs à planchers mobiles. Cependant, en cette période de graves épidémies, le fait de laver un linge contaminé dans un lavoir au fil de l'eau risque de souiller toute une rivière et propager la maladie à l'ensemble des riverains situés en aval. Lorsque le village est pénalisé par une hydrographie déficiente ou lorsqu'il est trop éloigné d'une rivière, ce qui rend les trajets longs et pénibles pour les lavandières, l'unique recours est de capter une source qui hormis le lavoir, alimentera une ou plusieurs fontaines.
Il était nécessaire d'acheminer une eau pure, limpide, courante, abondante, régulière, à partir d'une source ne tarissant jamais. Le précieux liquide était alors conduit de différentes façons :