Seules les femmes ont le pouvoir d’élever le linge à la propreté, de laver la “peau de la peau”. Si le lavoir est le lieu de peine des femmes, il est aussi celui de leur plaisir et de leur liberté. La bonne humeur règne et les rires les aident à supporter l’âpreté de leur tâche. Elles se livrent avec entrain au grand déballage ou aux commérages.
Marie Rouanet, l’Occitane, poète, vivante mémoire de la femme aux prises depuis toujours avec le travail du linge, nous livre dans Ces maisons de l’eau, ce qui se voit et se dit, sans rien en perdre : “Il arrivait qu’un cache-corset luxueux passât de mains savonneuses en mains savonneuses et les femmes pleines d’envie regardaient les initiales brodées à hauteur du sein dans un ovale ou un losange ajouré. Elles admiraient une chemise d’homme à plastron plissé, en lin, lisse sous les doigts autant que de la soie. Et toucher ces pans aussi légers que des linons de femmes qui enveloppaient la nudité du bel homme riche en souliers fins était presque une indécence“.
De toutes ces choses venues du lavoir, l’homme n’aurait que des échos à demi-évanouis, parfois seulement des soupçons, de toute façon il n’y est que rarement admis.
Ces femmes robustes au franc-parler légendaire et aux conditions de travail peu enviables, besognent sans répit.
Émile Zola, dans L’assommoir nous le confirme.
À Delouze, le lavoir Saint-Pierre de Vérone était utilisé par des femmes qui avaient la capacité de lire la vie ou la mort : si une lavandière jetait le drap d’une personne malade sur le bassin et que le linge flottait à la surface de l’eau, ç’était bon présage pour le malade qui pourra recouvrer la santé et survivre. Lorsque le linge coulait à pic, les lavandières présentes autour du bassin étaient dépositaires, bien avant tout le monde, d’une information ou d’une rumeur qui venait de naître et fera bientôt le tour du village : la mort prochaine d’un enfant du pays.
Le lavoir, lieu d’initiation et d’éducation Si la forge est, pour le petit garçon, le lieu d’apprentissage de sa future vie d’homme, c’est au lavoir que la petite fille, bien avant de savoir lire, commence à feuilleter le grand livre du linge. Elle vient écouter les conversations et y recevoir les bases de son éducation de femme, contrainte pour une vie durant, à être, outre une épouse de paysan, une laveuse de lessive…
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Texte avec un grand merci à: Jean-Pierre WIECZOREK, C.A.U.E. de la Meuse
REFLET DE LA MEMOIRE DU MONDE RURAL
Texte integral: reflet de la memoire
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